Bella & family
Ici tout le monde déraille…

Depuis plusieurs jours, je passais mes journées à vagabonder dans cette ville qui nous retenait prisonniers, tentant de repérer quelque chose, n’importe quoi qui pourrait nous indiquer sur la démarche à suivre désormais. Edward était dans un tel état que je rêvais de troquer mon bouclier que j’aimais tant contre le don de Jasper et Lin’. Peut-être qu’à nous trois on aurait réussi à annihiler totalement tous les sentiments négatifs que mon mari pouvait ressentir. Ma nature solitaire avait étonnamment refait surface, déjà pour échapper à la panique qu’inspirait Edward au reste de notre famille, mais aussi et surtout parce qu’il m’avait avoué l’existence de sa première fille biologique. L’effet de cette nouvelle avait été semblable à celui d’une bombe. Je ne savais plus vraiment quoi penser. Je lui en avais d’abord voulu de m’avoir caché cela tout ce temps, et j’avais demandé à ce qu’il me laisse du temps pour réfléchir, parce que je ne voulais pas risquer d’agir ou de dire des choses sous l’influence du choc. Je passais peu de temps avec mon mari ces derniers temps, et même si sa présence me manquait à mourir, je ne parvenais pas à revenir vers lui comme si de rien n’était. Le fait était qu’elle était ici, dans cette ville, et que je pouvais tomber sur elle à chaque coin de rue. Et je n’étais pas prête pour ça. Mon instinct de mère avait immédiatement rejeté Ambre avant même que je n’envisage de la rencontrer. Et depuis ce fameux jour je passais donc la plupart de mon temps seule, à essayer de m’occuper l’esprit en espérant que ce sentiment de rancœur qui n’était pourtant pas habituel s’atténue, à défaut de disparaître. Je patrouillais parfois avec Jake, que j’avais eu la chance de retrouver ici, et qui représentait à peu près mon seul salut, toute ma famille connaissant déjà Ambre. Le plus douloureux pour moi était d’éviter le sujet avec ma fille, qui, je le savais, redoutait l’éloignement entre ses parents. Et c’était sans nul doute ce qui me faisait le plus souffrir. Mais c’était tout ce dont j’étais capable en ce moment.

Je soupirai, me mettant debout sur la branche que j’avais choisie comme perchoir pour me perdre dans des pensées qui ne me menaient jamais à rien. Je n’avais rien dit non plus à Charlie. Il avait déjà rapidement déguerpi de la villa des Cullen dans laquelle je l’avais supplié de rester au moins au début pour s’assurer qu’il était en sécurité, et je ne voulais pas l’accabler avec ce problème. Je me laissai choir de mon arbre sans même regarder le sol se rapprocher de moi, laissant mes pieds amortir d’eux-mêmes le choc. Il fallait que je retourne à la villa. Comme pour tenter de sauver les apparences alors qu’ils savaient tous pertinemment ce qui se tramait. Je me mis à courir, traversant la ville jusqu’à l’endroit reculé où nous nous terrions. J’entendis Edward râler sur son frère et sa sœur empathes qui tenaient pourtant de le soulager. Il n’aimait pas que l’on joue avec ses émotions et pourtant il avait besoin d’apaisement. J’allais peut-être pouvoir aider sur ce point. Je n’étais pas le remède à tous ses maux, mais je savais au moins comment l’apaiser un minimum. Puis une voix, en même temps qu’une odeur toute particulière me stoppa net, me poussant même à reculer d’une dizaine de pas. C’était elle. Mes entrailles se tordirent si fort que j’en eus la nausée – purement mentale, bien sûr. Je ne pouvais pas. La rencontrer maintenant, devant tout le reste de ma famille, n’était sûrement pas ce que j’avais imaginé. S’il fallait que ça arri… Quand ça arriverait, il faudrait que nous soyons seules. Et ça ne se produirait pas aujourd’hui. Je fis le tour de la maison, me laissant un périmètre d’un kilomètre, à la recherche d’une baie vitrée au travers de laquelle je pourrai voir mon mari. Je grimpai dans les arbres une nouvelle fois, suffisamment proche pour percevoir ce qu’ils disaient, suffisamment éloignée pour qu’ils aient plus de mal à déceler ma présence, même si mon odeur ne tarderait sans doute pas à me trahir. J’entendis Edward saluer Ambre, puis parler d’une femme visiblement, qui serait de retour en ville. Encore des secrets ? J’accusai le coup une nouvelle fois tout en poursuivant ma recherche de cachette idéale. Ce n’était pas le moment. Je trouvai la place parfaite pour les observer. Dissimulée dans les feuillages, j’avais Edward dans mon champ de vision, de trois-quarts pour guetter ses expressions, juste au moment où il haussait le ton sur son frère. Sans plus attendre je l’enveloppai de mon bouclier, l’incluant avec moi, le laissant être le premier à capter ma présence par mes pensées. Je ne suis pas sûre qu’il mérite de subir tes sautes d’humeur. Est-ce que ça, ça aide un peu ? pensai-je à son intention, un maigre sourire qu’il ne verrait pas de là où il était étirant mes lèvres. J’avais beau m’être éloignée, je ne l’avais pas abandonné pour autant. Cela dit, je savais qu'à travers mes yeux il pouvait deviner où je me trouvais. Je m'empressai donc d'ajouter : Ne regarde pas vers moi, s’il te plaît. Je serai grillée bien assez tôt. Fais comme si de rien n'était. Si tu veux que je te libère, tu n'auras qu'à... Te gratter la nuque, ou un truc du genre. Je comprendrai le signe. Je croise juste les doigts pour que tout le monde fasse comme si je n’étais pas là. Je voulais vous rejoindre, mais… Je peux pas. Je suis désolée. Ça ne peut pas être notre première rencontre. Ne m’en veux pas. Je suis là. Je te vois. Et quelle vue...tentai-je pour dédramatiser un peu la situation, même si ça sonnait faux. J’essayais.

BY .SOULMATES