Si l'hôpital est calme aujourd'hui, il n'est pas totalement dénué de patients, et je termine mes visites aux patients hospitalisés avant de redescendre aux urgences. Sur mon passage, un collègue ayant pris en charge une fillette étrangement catatonique. Un cas de figure que nous avons eu à plusieurs reprises ces derniers jours, et qui éveille ma curiosité de scientifique. Cependant, tous les examens que nous pouvons réaliser pour tenter de sortir la fillette de son état n'y changent rien. C'est presque comme si elle était hypnotisée. Ce n'est qu'à ce moment que je remarque le pansement apposé sur le cou de l'enfant, dont mon collègue se décharge aussitôt. Je défait légèrement le bandage pour confirmer mes doutes, les deux piqures dans son cou étant une signature immanquable. Je remet le pansement en place avant de demander au médecin à mes cotés d'emmener la fillette dans une chambre libre, en attendant que nous trouvions son identité et ce dont elle souffre. Pour ma part, j'ai l'odeur de son sang bien imprégnée dans le nez, et je m'en sert pour remonter la trace jusque devant les toilettes des dames. Un endroit où je ne compte pas rentrer, mais je frappe tout de même à la porte, tentant d'obtenir l'attention de la jeune femme que j'entends respirer derrière la porte. Effectivement, en certains lieux, mes capacités auditives sont une malédiction, je peux vous le confirmer.

"Mademoiselle? Je suis le docteur Cullen, j'aimerai m'entretenir avec vous au sujet de la jeune enfant que vous nous avez confié."

On dira que mon collègue m'a expliqué comment l'enfant s'est retrouvée dans ses bras, et qu'une infirmière l'a vue entrer dans cette pièce. On ne vit pas trois siècles sans connaitre son répertoire à excuses par cœur.

La porte s'ouvre finalement et je recule d'un pas pour la laisser passer, et lui laisser un peu d'air. Elena Gilbert. Effectivement, c'est un dossier que j'ai vu passer entre mes mains. Et trouvé surprenant d'ailleurs. Je pensais qu'il n'y avait que les vampires pour venir s'établir ici, dans une petite ville où les perspectives de carrière ne sont pas fameuses, surtout en débarquant de la côte est. Mais je peux entendre battre son cœur, affolé comme une souris acculée par un chat.

"Vous avez bien fait. D'autres vous diraient que vous n'aviez pas à faire quoi que ce soit avant le début de votre internat, mais je considère qu'aucune aide n'est à refuser."

La suite de ses paroles m'intrigue au plus haut point. Je laisse même mes émotions transparaitre sur mon visage, un sourcil levé offrant toute l'étendue de l'intérêt que j'ai pour ses paroles. Certes pas une vampire, mais elle en connait forcément. Bella aurait pu avoir le même genre de discours quand nous l'avons rencontrée.

"Permettez moi de vous demander de me suivre dans mon bureau. Je crois que nous avons à parler."


Deux étages plus tard, je la laisse entrer dans mon bureau avant de refermer la porte derrière nous, écoutant un instant pour m'assurer que mes collègues les plus proches ne sont pas présents actuellement. Les murs ne sont jamais assez épais pour ce genre de conversation.

"Bien. Asseyez-vous si vous le souhaitez." Pour ma part, je m'appuie simplement contre le mur situé derrière mon bureau, croisant les bras avant de lancer le sujet qui nous intéresse. "Que savez-vous exactement au sujet des vampires?"

Je l'écoute attentivement. Plusieurs races de vampires, n'est-ce pas? A ma connaissance, une légende dont les humains n'ont guère entendu parlé. Un mythe qui a circulé parmi les nôtres dernièrement, après avoir été étouffé durant des siècles par les Volturis, peu amènes de devoir composer avec d'autres créatures surnaturelles pouvant leur voler leur règne. Pour ma part, j'ai eu le loisir de croiser l'un de ces vampires, mais guère de satisfaire ma curiosité à son égard comme j'ai pu le faire de Nessie au fil des années. Non, je ne confond pas ma petite fille avec un rat de laboratoire. Je suis juste curieux de nature, et peut-être légèrement d'accord avec Aro quand il dit que l'inconnu peut être dangereux. En savoir un maximum, la meilleure chose à faire pour contrer ceux qui voudraient trouver une meilleure raison que les autres de vouloir la détruire. Et puis, Nessie est bien trop gentille et se prête au jeu sans discuter. Sans doute devrait-elle apprendre à me résister un peu plus.

"Une légende peu connue, même parmi les nôtres. Enfin, vous m'épargnez le discours du vampire inoffensif. Prenez tout de même gare à qui vous divulguez en savoir autant sur les nôtres. Si nous dissimulons notre nature même à nos meilleurs amis, à notre famille parfois, ce n'est pas toujours par crainte d'être chassés. Nos autorités font parfois du zèle concernant nos lois. Plus d'un humain fut tué pour préserver notre secret."

Elle m'en apprend plus sur ces autres vampires que je n'en savais jusque là (je songerais à lui demander des précisions sur cette histoire de chevalière), et je prend des notes mentales, m'apprêtant à lui répondre quand elle m'affirme quelques chose auquel je ne m'attendais pas. Elle aurait été transformée, et en serait revenu?! Je décroise les bras, perdant mon attitude nonchalante pour me rapprocher d'un pas, tous mes sens aux aguets. Et pourtant, je ne décèle aucune trace de vampirisme en elle, hormis peut-être une légère odeur vacante pouvant parfaitement s'expliquer par la présence d'un autre vampire à ses parages.

"Attendez. Vous dites que vous avez été l'une des nôtres?" Franchement, je n'en reviens pas. "Cela voudrait-il dire qu'il existe un remède?"

Si je suis moi-même intéressé? Non. J'ai largement eu le temps de me faire à ma nature, et j'ai su utiliser les avantages de ma condition en faveur de mon travail, ma passion. Sans cela, je n'aurai jamais deviné que Esmée vivait toujours après sa chute quasi mortelle, de même que je n'aurai pu repérer Rosalie après ce que cet homme lui avait fait subir. Sans compter que la plupart des membres de ma famille seraient morts si je n'avais pu les transformer. Cependant, je sais par exemple que Rosalie m'en a toujours voulu et m'en veut encore quelque part, pour lui avoir fait subir ce sort. Nessie a comblé un peu le manque maternel qu'elle éprouvait, mais si il lui était donné de pouvoir elle-même donner la vie, je serais mal avisé de le lui refuser.

D'autres que moi s'offusqueraient de sa question. Pour ma part, je la juge légitime, et je dirai même, bien la première preuve d'une méfiance censée qu'elle m'apporte. Je lui offre un sourire, reprenant une certaine contenance après le premier choc de sa révélation inattendue.

" Je comprend. Rassurez-vous. Vous êtes simplement la première personne à évoquer cette hypothèse devant moi, et avec tant de conviction... Ma curiosité n'a pu être retenue."

Mon regard doré se pose sur la porte de mon bureau alors que j'entends des pas accompagnés de battements de cœur dans le couloir. Un bruit de fond qui s'éteint au rythme de l'éloignement de son propriétaire, et je reporte le regard vers Elena, quand elle me dit qu'elle a de la paperasse à remplir avant qu'elle ne commence son service lundi.

"Bien sur oui. Vous ne m'avez pas dit dans quel service vous seriez affectée?"

Une simple curiosité professionnelle, cette fois-ci, ayant autant pour but d'alimenter la conversation que de détourner ma curiosité scientifique de ce remède qu'elle a rapidement évoqué. En apprendre davantage sur elle, peut-être, également. Je me relève donc de mon fauteuil pour l'accompagner à l'extérieur de mon bureau, lui tenant la porte avant de la suivre dans le couloir, jusque devant les ascenseurs. Et c'est là qu'elle réattaque, dans un couloir dont les murs sont parfaitement capables d'être dotés d'oreilles. J'attends donc que nous soyons entrés dans l'ascenseur pour lui répondre, sur un ton plus bas qu'à l'accoutumée. De toute manière, dans ces boites métalliques, le son circule bien assez pour ne pas avoir besoin de parler fort.

"Trois siècles, à peu de choses près. Et cela fait près de quinze ans que je travaille dans cet hôpital. Autant dire que j'y connais à peu près tout les recoins et tout le monde. Alors n'hésitez pas à venir me voir en cas de besoin, même si je ne suis pas votre tuteur. Ça ne me dérange pas."

Une chose qui fait presque plaisir? Le fait qu'elle semble assez blasée du genre vampirique pour ne pas sembler être du genre à se retourner sur mon passage. Mes collègues féminines sont des plus agréables... mais j'ai bien de la veine de ne pas avoir une épouse jalouse du moindre regard.

Le service enfant? Pas l'un de mes préférés. Je n'aime guère me retrouver face à certains de ces petits si fragiles, ayant à peine commencé leur vie et la voyant déjà s'achever. Bien sur, il y a les "simples" grippes, bronchites et autres rhinopharyngites, mais l'humanité a également développé de nombreuses maladies orphelines au fil des siècles.

"Content de l'apprendre. Ils ont toujours besoin de personnel. Ce sera avec plaisir, mais rapidement. J'ai promis à mon épouse de ne pas m'attarder ce soir. Je crois que mes nuits de garde à répétition ont fini de la lasser."

Les portes de l'ascenseur s'ouvrent devant nous et je la laisse passer devant moi avant de sortir à mon tour, m'attardant au pied de l'appareil.

"Aucun don non. Je peux vous affirmer que vous vous êtes retrouvée seule à seul avec un vampire dans un ascenseur de votre propre volonté."

Je l'accompagne jusqu'à l'accueil, récupérant quelques dossiers dans une panière pour les feuilleter rapidement, en replaçant certains dans la panière en dessous, d'autres dans l'originelle, et en gardant deux sur moi. De quoi me donner bonne conscience pour le temps passé à la cafétéria à venir.

"Qui prend le relai ce soir?"

Je laisse l'aide-soignant me glisser l'agenda à la page concernée, y trouvant le nom d'un collègue avec lequel j'ai de bonnes relations. Bien que ce soit assez souvent le cas, il peut m'arriver d'avoir du mal avec certains... ou qu'ils aient du mal avec moi. On ne peut pas plaire à tout le monde.

"Bien merci. Quand il arrivera, dites-lui que je lui ferait le topo avant de partir. Mademoiselle Gilbert? Et si nous allions prendre ce café dont nous parlions?"